Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/542

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme avec une Perſonne qu’elle ne devoit jamais regarder qu’avec reſpect : ſans ſouffrir qu’il vouluſt l’engager à nulle affection particuliere.

Cependant Philoxipe qui s’aperçeut que jamais il n’auroit la liberté de parler à Policrite en particulier, ſi le hazard ne la faiſoit naiſtre : fut tant de fois en ce lieu là, qu’enfin il la rencontra ſans autre compagnie que de la jeune Doride. Cette occaſion eſtant trop favorable pour la perdre, il s’aprocha d’elle, & la regardant avec beaucoup d’amour, ne penſez pas Policrite, luy dit il, que j’aye rien de criminel, à vous dire, encore que j’aye cherché avec ſoin, à vous entretenir ſeule. Mais c’eſt que ne sçachant pas comment vous devez recevoir mon affection, j’ay eſté bien aiſe de n’avoir point de teſmoins de mon infortune ou de mon bonheur. Seigneur, luy dit Policrite en rougiſſant, auparavant que de me parler, conſiderez je vous prie en quel lieu vous eſtes : regardez la Cabane que j’habite, & voyez l’habillement que je porte. Non Policrite, luy repliqua l’amoureux Philoxipe, je ne voy rien que vos yeux : & quand vous auriez une Couronne de Diamants ſur la teſte, je ne m’en apercevrois non plus, que je m’aperçoy de ce que vous dites : tant il eſt vray que voſtre beauté attache fortement mes regards. Souffrez donc, Seigneur, luy dit alors cette ſage & belle Fille, que je vous aprenne une autre choſe, que peut-eſtre vous ne sçavez pas, & qui vous doit empeſcher de me dire rien qui ſoit injuſte. C’eſt, Seigneur, que cette meſme Policrite que vous voyez en une petite Maiſon Champeſtre ; qui ne porte que deſhabillemens tous ſimples ; qui ne connoiſt que ſes Bois & ſes