Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/556

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partis donc avec intention en effet de taſcher de contenter la curioſité du Roy : qui certainement avoit quelque beſoin de la preſence de Philoxipe, pour le conſoler de la maniere dont la Princeſſe Aretaphile le traitoit : & je ne penſe pas qu’il ſe ſoit jamais veû un combat d’ambition & d’amour plus opiniaſtré. Je fus donc à Clarie, où je trouvay Philoxipe dans ſon chagrin ordinaire ; que je redoublay encore, parce que je l’empeſchay d’aller chez Cleanthe ce jour là. D’abord qu’il me vit, il voulut pourtant ſe contraindre, & me faire l’honneur de me teſmoigner quelque joye de me voir. Mais ce fut d’une façon qui me fît bien connoiſtre que ſon cœur démentoit ſes paroles : & que quelque amitié qu’il euſt pour moy, il euſt ſouhaité que j’euſſe encore eſté à Paphos. Leontidas, me dit il, je vous ſuis bien obligé de me venir viſiter en une Saiſon où la Campagne a perdu tous ſes ornemens : & où la Cour eſt la plus divertiſſante & la plus belle. Seigneur, luy dis-je, vous vous loüez de moy avec bien moins de raiſon, que la Cour ne ſe plaint de vous : Car enfin quitter Paphos pour Clarie quand vous y eſtes ; c’eſt quitter la Cour pour la Cour, & meſme pour la plus agreable partie de la Cour : Mais quitter Paphos comme vous faites, pour ne venir chercher que la ſolitude à Clarie, ha ! Seigneur (luy dis-je, ſans le ſoubçonner pourtant d’aucune paſſion) c’eſt tout ce que pourroit faire un Prince amoureux, qui ſeroit mal avec ſa Maiſtresse. Philoxipe rougit à ce diſcours ; & me regardant avec un ſous-rire qui n’effaçoit pas toutefois la melancolie de deſſus ſon viſage. Je voy bien Leontidas, me dit-il, que je ne vous ſuis pas ſi obligé que je penſois : puis que ſans doute vous venez pluſtost jcy