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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/561

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quand je ne regarde qu’elle, ou que je ne fais que l’entendre parler. Ceux qui la conduiſent ont de l’eſprit & de la vertu : Mais encore une fois Leontidas, ils logent dans une Cabane, & ne la veulent pas meſme abandonner. Enfin, me dit il preſque les larmes aux yeux, je ſuis le plus infortuné des hommes : j’ay une paſſion que je ne sçaurois vaincre, & que je ne veux point que l’on sçache : je reſpecte trop la vertu de Policrite (car cette Perſonne dont je vous parle s’apelle ainſi) pour concevoir un deſir criminel ; joint que je l’aurois inutilement : j’aime auſſi trop la gloire pour me reſoudre à eſpouser une Fille de cette condition, ſans une forte repugnance : Cependant je ne puis vivre ſans elle : je ſouffre par tout ailleurs, un ſupplice que je ne puis dire : ſans pouvoir prevoir de remede à mon mal, je le ſuporte ſans m’en pleindre, & ſans nul eſpoir que la mort. Philoxipe me dit cela d’une maniere ſi touchante, que j’en eus le cœur attendry : & alors il me conta tout ce qui luy eſtoit advenu : comment il avoit rencontre Policrite : ſa ſurprise de voir que c’eſtoit la Perſonne d’apres laquelle Mandrocle avoit fait la Peinture de ſa Venus Uranie : & tout ce que je vous viens de dire. Quoy que je ſusse un peu ſurpris de cette bizarre paſſion, principalement quand je me ſouvenois de l’inſensibilité de Philoxipe : je taſchay pourtant de le conſoler. Seigneur, luy dis-je, la beauté, quand elle eſt comme celle que vous me repreſentez, & comme celle que j’ay veüe en la Venus de voſtre Galerie, porte quelque excuſe avec elle, de quelque condition que ſoient les perſonnes qui la poſſedent : principalement quand elle ne fait naiſtre que de ces paſſions paſſageres qui