Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/574

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L’advenir, reſpondit malicieuſement Policrite, eſt une choſe, Seigneur, dont je ne dois pas reſpondre avec tant de certitude : & comme vous n’euſſiez pas preveû le jour auparavant que j’euſſe l’honneur d’eſtre connuë de vous, que vous quitteriez ſouvent vos Palais, pour venir à la Cabane que j’habite : que sçay-je de meſme ſi la reſolution que je fais de ne recevoir nulle affection en mon cœur, y demeurera toujours ? Non Seigneur, il ne faut pas ſe fier ſi abſolument en ſoy meſme : & je ne puis reſpondre que des ſentimens preſens de mon ame. Monſtrez les moy donc, repliqua t’il, tels qu’ils ſont veritablement : afin que je sçache ce que je dois faire. Seigneur, luy reſpondit Policrite, comme j’ay beaucoup d’eſtime & beaucoup de reſpect pour vous, je vous advoüeray que je ne ſerois pas bien aiſe que vous aimaſſiez long temps une perſonne qui ne fuſt pas d’une condition proportionnée à la voſtre : & que je ne pourrois guere recevoir un plus ſensible déplaiſir. Philoxipe qui n’entendoit par le ſens caché de ces paroles, luy reſpondit que la ſupréme Beauté eſtoit quelque choſe de Divin, qui ennobliſſoit toutes celles qui la poſſedoient. Non, luy dit elle encore avec plus de malice, ne vous y trompez pas : pour faire naiſtre l’amour, il faut à mon advis de la proportion en toutes choſes : & ſi j’avois un jour à aimer quelqu’un, ce ſeroit infailliblement une perſonne de ma condition : & je ne me reſoudrois jamais, d’aimer un homme qui n’en ſeroit point. Quoy Policrite, s’écria Philoxipe bien affligé, il y a de la verité en vos paroles ? Ouy Seigneur, repliqua t’elle, & le temps vous le fera connoiſtre. Mais Policrite, reprit il, vous ne ſongez pas que vous eſtes un Miracle : & que l’on ne trouve pas parmy des Rochers, des