Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/577

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

amitié fuſt plus forte que ſon amour : Philoxipe vouloit chercher dans les yeux du Roy & dans les miens, ce qu’il avoit à luy dire, & le ſujet de ſon voyage : caignant, veû les ſignes que je luy faiſois, qu’il ne sçeuſt ſa paſſion : Et en mon particulier, j’eſtois au deſespoir de ne pouvoir advertir Philoxipe, & de n’oſer dire au Roy ce que je sçavois de l’amour de celuy qu’il croyoit eſtre ſon Rival. Mais enfin ce cruel ſilence où nous nous diſions tant de choſes à nous meſmes ceſſa : & le Roy regardant ce Prince d’une maniere tres oblibeante ; Mon cher Philoxipe, luy dit il en l’emraſſant, ne ſoyez point fâché que je sçache le ſecret de voſtre ame : & de ce que je n’ignore pas la paſſion qui vous tourmente. Philoxipe ſurpris du diſcours du Roy, me regarda en rougiſſant : & le Roy s’imaginant, comme il eſtoit vray, que c’eſtoit pour m’accuſer de l’avoir trahi, me regarda auſſi bien que luy : & pour me punir, m’a t’il dit depuis, de ne luy avoir pas dit la verité ; ſans me donner loiſir de parler, & ſans deſabuser Philoxipe de l’opinion qu’il avoit de moy ; Encore une fois, luy dit il, mon cher Philoxipe, ne vous affligez point de ce que je sçay voſtre amour : & croyez que je ne vous en eſtime pas moins. Seigneur, luy repliqua Philoxipe, il me ſemble que ſi voſtre Majeſté sçait mes veritables ſentimens, elle devoit avoir la bonté de m’en pleindre, ſans m’en parler. Non Philoxipe, reprit le Roy, ma bonté va encore plus loing que cela : & je ſuis venu exprés icy, pour eſtre le compagnon de voſtre ſolitude : car puis que je ne vous puis rendre heureux, il faut du moins, que je ſois malheureux aveque vous. Ha Seigneur, s’écria Philoxipe, vous me couvrez de confuſion ! Non Seigneur,