Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/600

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donner ſa propre vie à un de ſes Amis : mais pour la Perſonne aimée, il ſeroit bien plus juſte & plus ordinaire, de donner tous ſes Amis pour ſes intereſts, que de la ceder à un de ſes Amis. Enfin, pourſuivit elle encore, vous avez pû imaginer que vous pouviez vivre ſans moy : car ſi vous euſſiez creû que vous enſſiez deû mourir, il euſt ce me ſemble eſté auſſi beau de mourir ſans ceder Aretaphile à Philoxipe, qu’apres la luy avoir cedée. Mais, Seigneur, ayant mieux aimé donner une marque de generoſité extraordinaire, qu’une preuve d’amour aſſez commune ; je n’ay rien à dire : mais auſſi n’ay-je rien à faire, qu’à conſerver mon cœur auſſi libre qu’il l’a touſjours eſté. Le Roy voyant qu’il ne pouvoit appaiſer cét eſprit altier, apella Philoxipe à ſon ſecours : Venez, luy dit il, venez reparer le mal que vous m’avez fait innocemment : & ſi vous voulez conſerver ma vie, comme j’ay voulu conſerver la voſtre, faites que l’on me remette en l’eſtat où j’eſtois, auparavant que d’avoir eu pitié de vous. Madame, dit alors Philoxipe parlant à cette Princeſſe, ſi vous jugez de l’amour du Roy pour vous, par ſon amitié pour moy, que n’en devez vous point attendre ! puis que pour me ſauver la vie, il a pû durant quelques momens ſeulement, renoncer à la poſſession d’un threſor ineſtimable : Et ne devez vous pas croire, qu’à la moindre occaſion qui s’en preſenteroit, il ſacrifieroit pour voſtre ſervice, non ſeulement Philoxipe, mais tous ſes Sujets ; & qu’il ſa crifieroit meſme ſa propre vie ? Non non, reſpondit cette Princeſſe, vous n’eſtes pas ſi obligé au Roy que vous penſez ; & au lieu que vous me priez de juger de l’amour qu’il a pour moy, par l’amitié qu’il a pour vous : je vous conſeille de ne juger de l’amitié qu’