Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/609

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de la Conjuration Cylonienne. En ſuitte les Megariens ſurprirent le Port de Niſacée, & reprirent l’Iſle de Salamine qui m’avoit tant donné de peine : & pour comble de malheur, tout le peuple ſe trouva ſaisi d’une crainte ſuperstitieuse, qui luy perſuada qu’il revenoit des Eſprits ; qu’il aparoiſſoit des Spectres & des Fantoſmes ; & cette imagination s’empara tellement de la plus grande partie du monde, qu’il y eut une conſternation univerſelle. Ceux qui avoient le ſoin des choſes Sacrées, diſoient meſme qu’ils apercevoient dans les Victimes des lignes infaillibles que la Ville avoit beſoin de purifications, & que les Dieux eſtoient irritez, par quelque crime ſecret. Pour cét effet, de l’advis des plus Sages, l’on envoya en Crete vers Epimenides le Phaeſtien, qui eſtoit & qui eſt encore ſans doute un homme incomparable : un homme, dis-je, de qui la vie eſt toute pure, toute ſimple, & toute ſainte : qui ne mange à peine qu’autant qu’il faut pour vivre : de qui l’ame eſt autant deſtachée des ſens, qu’elle le peut eſtre en cette vie : qui eſt tres sçavant en la connaiſſance des choſes Celeſtes ; & qui paſſe en ſon Païs non ſeulement pour avoir quelques revelations divines : mais meſme les Peuples de Crete aſſurent, qu’il eſt Fils d’une Nimphe nommée Balte. Quoy qu’il en ſoit, Seigneur, c’eſt un homme extraordinaire en sçavoir & en vertu : Epimenides donc ne refuſant pas la priere qu’on luy fit, vint à Athenes, & me fit la grace de me choiſir entre tant de Gens illuſtres dont cette celebre Ville eſt remplie, pour le plus particulier de ſes Amis. Apres qu’il eut par ſa ſagesse, & par la croyance que le Peuple avoit en luy, diſſipé toutes les fauſſes imaginations qu’il avoit : &