Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/613

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qui m’y confirmerent : Ainſije pris dans mon Vaiſſeau cette petite Famille : & voulant du moins que le lieu de l’exil de ces Perſonnes qui m’eſtoient ſi cheres, fuſt agreable ; je choiſis cette Iſle pour les y laiſſer. Pendant le diſcours de Solon, Philoxipe qu’il y avoit deſja long temps temps qui avoit bien de la peine à ne l’interrompre point, ne pût plus s’en empeſcher : Quoy, Seigneur, lny dit il, vous avez laiſſé une Fille en cette Iſle ? Ouy, reprit Solon en ſoupirant, & je l’y vy encore le voyage que je fis icy il y a prés de quatre ans, ſans vouloir eſtre veû que de vous. Mais, Seigneur, ſi j’oſe parler de cette ſorte, je la vy telle qu’Epimenides me l’avoit dépeinte ; c’eſt à dire belle, pleine d’eſprit & de vertu. Lors queje quittay la premiere fois ceux qui la conduiſoient, je les obligeay de ſe dire de l’Iſle de Crete ; à ce mot, Philoxipe changea de couleur, ſe ſouvenant que c’eſtoit le lieu d’où Cleanthe luy avoit dit qu’il eſtoit. Mais Seigneur, reprit il, comment ſe nomme cette Fille que les Dieux vous ont donnée ? Policrite, reſpondit Solon : Policrite ! s’eſcria Philoxipe ; Quoy, Seigneur, Policrite eſt voſtre Fille ? Solon ſurpris du diſcours de Philoxipe, changea de couleur à ſon tour : & craignit que ce Prince ne sçeuſt quelque choſe de Policrite qui luy deſplust davantage que l’incertitude où il eſtoit de ſa vie & de ſon ſejour. Seigneur, luy dit il, qui vous a fait connoiſtre ma Fille, que j’avois ſans doute laiſſée aſſez prés de vous : mais que j’avois auſſi logée en un lieu aſſez ſauvage, pour croire que vous ne la deviez pas rencontrer : & que quand vous la rencontreriez, vous ne la connoiſtriez pas pour ce qu’elle eſt ? Les Dieux, reſpondit Philoxipe, ſont ceux qui me l’ont fait connoiſtre : & les Dieux, adjouſta t’il encore, ſont