Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/646

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comme ils le ſouhaitoient ? Metrobate ſurpris d’entendre le Nom d’Artamene en un lieu où un il ne croyoit pas qu’il deuſt y avoir perſonne qui s’intereſſast en ſa fortune : leur demanda s’ils connoiſſoient celuy qu’ils teſmoignoient aimer ? & ils luy reſpondirent qu’ils avoient eu l’honneur de le voir dans leur Cabane : & luy raconterent comment il avoit trouvé Mazare mourant. Mais pour circonſtantier mieux la choſe, ils luy dirent encore en leur maniere, comment ce Prince luy avoit parlé de la Princeſſe Mandane ; luy avoit baillé une Eſcharpe, & luy avoit dit, Eſte ce vous que l’affection d’une Grande Princeſſe rendoit le plus heureux des honmes & que j’ay rendu le plus infortuné, en vous privant d’une Perſonne qui vous aimoit tant ? Ainſi ils ne dirent pas preciſément les meſmes paroles que Mazare avoit dittes à Artamene, mais ils y en mirent d’autres plus obligeantes, qui rendoient encore la choſe plus forte : penſant en faire une tres avantageuſe pour Artamene, que de bien exagerer qu’il faloit ſans doute que leur princeſſe l’aimaſt beaucoup, veû ce que ce Prince mourant luy avoit dit. Mais, diſoient ils encore, il faut auſſi qu’Artamene l’aime bien : car il demanda cent choſes à celuy qui luy parloit : & apres qu’il luy eut dit que ſelon les aparences elle eſtoit morte : il ſortit de cette Cabane tout furieux & tout deſesperé : emportant l’Eſcharpe que l’autre luy avoit donnée, & s’en allant vers le bord de la Mer, comme s’il euſt voulu ſe jetter dedans. Metrobate qui avoit de l’eſprit, fit ſur le raport de ces bonnes Gens toutes les reflexions qu’il y faloit faire : & ſoupçonna, en effet qu’Artamene eſtoit amoureux de Mandane : & que le ſecret qui eſtoit entre le Roy d’Affirié & luy, eſtoit un ſecret d’amour & de jalouſie tout enſemble. Ainſi ſeignant d’eſtre