Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/664

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les yeux à la Fille d’un Roy qui l’avoit comblé de biens & d’honneurs, & de ſonger à luy oſter la Couronne ; le ne penſe pas qu’il y ait quelqu’un aſſez injuſte, pour s’oppoſer au chaſtiment que j’en veux faire ; car enfin c’eſt une choſe inouïe, qu’un homme comme Artamene ait eu l’inſolence d’oſer ſeulement regarder ma Fille. Ma Fille, dis-je, qui juſques icy m’avoit paru une Perſonne auſſi ſage & auſſi prudente qu’il y en ait eu au monde : mais Marteſie m’aprendra par quels charmes elle a perdu la raiſon : & par quel enchantement Artamene luy a fait oublier ce qu’elle ſe devoit à elle meſme, & ce qu’elle me devoit auſſi. Mais Seigneur, repliqua le Roy de Phrigie, vous accuſiez Artamene d’avoir une intelligence avec le Roy d’Aſſirie, Amant de la Princeſſe Mandant : & vous l’accuſez aujourd’huy d’en avoir avec la Princeſſe meſme : comment accordez vous ces deux choſes, qui paroiſſent ſi directement oppoſées ? Je n’en sçay rien, reprit Ciaxare, mais la rigueur des ſupplices, & la crainte de la mort, feront ſans doute confeſſer à Chriſante, à Ortalque, & a Artamene luy meſme, tout ce que je ne sçay pas encore. Mais Seigneur, interrompit le Roy d’Hircanie, que sçavez vous de ſi convainquant ? Je sçay cent choſes, vous dis-je, repliqua Ciaxare, qui me ſont toutes voir clairement, qu’Artamene a intelligence avec mon Ennemi, & avec ma Fille, & que ma Fille ne hait pas Artamene. Il n’en faut pas davantage pour me faire prononcer un Arreſt de mort contre un homme que j’ay tant aime, quoy qu’il fuſt d’une condition ſi baſſe. Mais Seigneur, reprit le Roy de Phrigie, s’il eſtoit fils d’un Grand Roy ? Il l’auroit dit il y a