Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/670

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qu’on luy demandoit, non plus qu’Artucas & Araſpe : car il eſtoit vray qu’ils ne sçavoient rien du tout. Et pour Marteſie, elle dit à Metrobate, avec autant de prudence que de hardieſſe, que quand ſa Maiſtresse auroit un ſecret, elle ne le luy diroit pas : & que comme elle avoit eſté miſe aupres d’elle de la main du Roy, ce n’eſtoit auſſi qu’au Roy à qui elle en devoit rendre compte. Cependant Artamene eſtoit en une inquietude inconcevable : Quoy, diſoit il en luy meſme, je ſeray cauſe que le Roy accuſera ma Princeſſe ! & toute ſa vertu & toute ſa ſeverité, ne pourront empeſcher qu’il ne la ſoubçonne ; qu’il ne la blaſme ; & que peut-eſtre il ne la condamne injuſtement ! Ha imprudent que ſe ſuis, s’eſcrioit il, deſois-je me fier à l’eſperance que l’on m’avoit donnée ? Se ne devois-je pas tout craindre du caprice de ma fortune, qui ne m’a jamais eſlevé, que pour me precipiter ? Quoy, Mandane, le Roy croira que vous m’avez donné le Portrait qu’il aura veû ! & par cette fauſſe imagination, il penſera cent autres choſes auſſi peu veritables que celle là. Il y avoit alors des momens, où Artamene craignant la fureur de Ciaxare pour la Princeſſe, aimoit preſque mieux qu’elle fuſt entre les mains d’un Rival reſpectueux comme eſtoit le Roy de Pont : que d’eſtre entre celles d’un Pere violent & irrité, comme l’eſtoit Ciaxare. Ces momens ne duroient pourtant pas long temps : il ſe repentoit de ſes propres ſouhaits : & venant à conſiderer que l’eſperance de ſa liberté eſtoit perdue, que celle de la Princeſſe eſtoit bien eſloignée ; qu’il eſtoit cauſe du malheur de tant de perſonnes innocentes ; & le peu d’aparence qu’il y avoit de ſortir de tant d’infortunes, autrement que par la mort, il eſtoit