Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/93

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de l’eau donna dans le flanc du cheval d’Artamene : cet animal le (entant blessé, se mit à courir de toute sa force le long de la riviere : & maigre toute la resistance de son Maistre, il l’emporta allez loin de ce peu de gens qui restoient des siens, & qui n’y prirent pas garde. Puis tout d’un coup se cabrant, & s’eslançant du costé de l’eau, comme s’il eust voulu guayer le fleuve ; il tomba mort, & pensa noyer mon Maistre : parce que depuis qu’il combatoit aupres de ce Pont rompu, il avoit esté blessé à la cuisse : de façon qu’il ne luy fut pas si aisé de se dégager de dessous cet animal, & de se retirer de l’eau. Neantmoins malgré le sang qu’il avoit perdu, & la pensanteur de ses armes, il en vint à bout : Mais comme il se vit hors de ce peril, il se retrouva dans un autre : car il s’aperçeut qu’il estoit beaucoup plus blessé qu’il ne pensoit l’estre : luy estant absolument impossible de se soustenir. De plus, la nuit estoit arrivée ; & il ne voyoit plus personne à l’entour de luy. Il entendit bien encore durant quelque temps, le bruit de gens qui fuyoient, & qui ne passoient pas trop loing du lieu où il estoit : mais comme il ne sçavoit s’ils estoient Amis ou Ennemis ; il fut quelques moments à deliberer en luy mesme, s’il les appelleroit ou non ; pendant quoy il ne les entendit plus : & demeura sans sçavoir que faire ny que devenir ; sentant bien qu’il n’avoit pas la force de pouvoir retourner au Camp, quand l’obscurité de la nuit luy eust permis d’en retrouver le chemin ; au lieu qu’elle ne luy permit pas mesme de pouvoir retrouver son Calque & son Bouclier, qu’il avoit perdus en tombant, quoy qu’il les cherchait avec grand soing. Il s’assit donc au pied d’un