des conſeils ; & l’obligeay de ſouffrir que je luy racontaſſe mes malheurs ; la priant d’avoir du moins pour moy quelques ſentimens de pitié, puis que Philiſte n’en pouvoit pas avoir. Elle reçeut cela comme une bonne perſonne) qui ſe laiſſoit toucher à mon mal : & me fit valoir avec tant d’art l’obligation que je luy devoit avoir, d’endurer que je luy fiſſe confidence d’une pareille choſe, que l’en fus abuſé ; & que l’eus effectivement pour elle une amitié tres ſincere. Apres cela je n’avois pas un ſentiment jaloux que je ne luy diſſe : à peine Philiſte m’avoit elle regardé avec indifference ou avec rudeſſe, que je m’en allois pleindre à Steſilée. De ſorte que comme Philiſte m’oſtoit autant qu’elle pouvoit les occaſions de luy parler : & que Steſilée au contraire, m’en donnoit toute la liberté poſſible : en peu de jours toute la Cour remarqua l’attachement que j’avois à parler en ſecret avec cette fille. Et comme on sçavoit qu’il y avoit une haine cachée entre ces deux Perſonnes, l’on ne s’imagina pas que j’euſſe fait ma Confidente de l’ennemie de Philiſte : & on creut que j’avois change de ſentimens : & que les ſoins que je continuois de rendre à Philiſte, n’eſtoient plus que pour cacher la nouvelle paſſion que j’avois pour Steſilée. Antigene en eut une joye extréme : & toute la Cour eſtoit bien aiſe que je me fuſſe guery d’une paſſion par une autre. Steſilée à qui on en faiſoit la guerre quand je n’eſtois pas aupres d’elle, ſe reſjoüiſſoit fort, de voir que ſon deſſein euſt un ſi heureux evenement : & Philiſte ſeule par un ſentiment glorieux où je n’avois point de part, & qui ne regardoit que Steſilée, en eut un deſpit fort ſensible. Ce fier & inflexible eſprit ne ſe porta pourtant pas à s’adoucir pour moy : & elle forma ſeulement le deſſein de me faire
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