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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/185

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luy repliquay-je tout ſurpris, me croit amoureux de Steſilée ! Ouy, reſpondit il ; & je l’ay creû comme tout le reſte du monde. Ce diſcours m’eſtonna de telle ſorte, que je ne fus jamais gueres plus affligé que je l’eſtois, par la crainte que l’eus que cela ne m’euſt encore mis plus mal avec Philiſte, & par la douleur que j’avois d’eſtre obligé de me priver de la conſolation que je trouvois dans la converſation de Steſilée. Si bien que ſans faire un plus long diſcours à Antigene, je me ſeparay de luy ; en luy proteſtant touteſfois, que je n’avois jamais eſté plus amoureux de Philiſte que je l’eſtois : & que je donnerois bon ordre à deſabuser tout le monde de l’opinion qu’il avoit, que je fuſſe amoureux de Steſilée. Cependant comme j’avois de l’amitié pour cette Perſonne ; que je croyois luy avoir de l’obligation ; & que l’en avois eſté conſolé : je crus que je ne devois pas changer ma forme de vivre avec elle ſans l’en advertir. Eſtant donc allé chez elle par un chemin deſtourné, & apportant ſoing que l’on ne m’y viſt pas entrer ; je la trouvay ſeule dans ſa chambre avec deux de ſes femmes. D’abord qu’elle me vit, elle remarqua aiſément que j’avois quelque nouveau déplaiſir : qu’allez vous Philocles ? me dit elle ; Philiſte vous a t’elle fait quelque nouvelle injuſtice ? Philiſte, luy dis-je, n’a pas beaucoup contribué au mal qui me fait pleindre preſentement : & la belle Steſilée ſans y penſer, y a plus de part que Philiſte. Elle rougit à ce diſcours ; n’oſant pas y donner un ſens auſſi obligeant, que la tendreſſe qu’elle avoit pour moy luy euſt peut-eſtre fait deſirer. Il ne m’eſt pas aiſé, dit elle, de deviner quel mal je vous puis avoir fait ; & je n’en sçache qu’un, que je fuſſe capable de ſouhaitter de vous avoir cauſé ; qui eſt d’oſter de voſtre