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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/237

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QUATRIESME HISTOIRE.

Comme la douleur agit differemment, ſelon les divers temperamens de ceux qu’elle poſſede ; qu’elle eſt tantoſt muette, & puis tantoſt eloquente : vous ne devez pas vous eſtonner ſi elle ne fait point en mon eſprit, ce qu’elle a fait en celuy du prince Artibie, qui n’a pû s’eſtendre dans ſa narration par l’excés de ſes deſplaisirs. Pour moy qui ne ſuis pas de ceux que la douleur fait taire, & qui au contraire ne parle jamais tant, que lors que j’ay ſujet de me pleindre, je n’en sçaurois uſer de cette ſorte : & je ne sçaurois ce me ſemble, vous perſuader en peu de paroles, la grandeur de mes ſouffrances. Je ne vous diray pourtant rien d’inutile ſi je le puis : c’eſt pourquoy je vous aprendray en peu de mots que je ſuis de l’Iſle de Chipre : & que j’ay l’honneur d’eſtre d’une Maiſon aſſez illuſtre. Je vous diray en ſuitte, que je partis ſi jeune de cette belle Iſle, qui eſt conſacrée à la Mere des Amours, que je n’eus pas le temps d’y rien aimer : car la guerre qui eſtoit alors entre ceux de Samos, de Prienne, & de Milet, m’ayant donné envie d’aller aprendre en ce lieu là, un meſtier que la profonde paix