Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/252

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de l’affection d’Alcidamie. De ſorte que tout d’un coup ne regardant plus Theanor comme cét Amy officieux, avec qui j’avois du moins reſolu de garder quelque bien-ſeance : je le regarday comme un Rival favoriſé, c’eſt à dire comme un ennemy mortel. Si bien que changeant de deſſein, de viſage, & de ton de voix ; Au nom de Dieux Theanor, luy dis-je, nommez moy celuy à qui eſt le Portrait que j’ay trouvé, afin que je sçache bien preciſément qui je dois haïr. Je ne le puis, repliqua t’il, que vous ne m’ayez rendu la Peinture d’Alcidamie : la Peinture d’Alcidamie ! (repris-je ſans sçavoir preſques ce que je diſois, tant la jalouſie m’avoit deſja troublée le ſens) non non, je ne le sçauray point à ce prix là, ce funeſte ſecret que je veux aprendre ; car ne voulant sçavoir le nom de mon Rival, que pour luy oſter le cœur d’Alcidamie, je n’ay garde de luy en rendre le Portrait. Du moins, dit Theanor, me promettrez vous une choſe juſte, qui eſt de ne montrer cette Peinture à perſonne : puis que vous feriez plus de tort à Alcidamie, qu’à voſtre Rival : qui à mon avis, adjouſta t’il, ne ſera point voſtre ennemy, qu’il ne sçache que vous ſoyez plus favoriſé que luy. J’avoüe qu’alors je penſay perdre patience : & je ne sçay s’il ne fuſt arrivé du monde, ce que nous euſſions fait Theanor & moy. Mais diverſes perſonnes eſtant venuës, nous nous ſeparasmes : & je ſortis de chez Theanor le plus chagrin de tous les hommes. Infailliblement, diſois-je, ce cruel amy eſt aſſuré du cœur d’Alcidamie, qu’il ne craint point de le perdre : où il meſprise ſi fort Leontidas, qu’il ne ſe ſoucie pas qu’il ſoit ſon Rival. Mais peut-eſtre, adjouſtois-je, eſt-ce que mes conjectures me trompent : & que ceux qui