Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/26

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pas pluſtost en eſtat de ne pouvoit donner ny crainte ny eſperance, que le deſordre ceſſera ; que vous ſerez veritablement Roy de pluſieurs Royaumes ; & paiſible poſſesseur de vos Couronnes. Un diſcours ſi violent & ſi injuſte, ne laiſſoit pas d’eſtre eſcouté favorablement de Ciaxare : Ce n’eſt pas que malgré luy il ne ſe ſouvinst encore de tous les grands ſervices que luy avoit rendu Cyrus, ſous le glorieux nom d’Artamene ; & de la tendre amitié qu’il avoit euë pour ce Prince : Mais il faiſoit effort pour s’oppoſer à tout ce que la juſtice & la pitié luy pouvoient inſpirer : & il n’eſcoutoit plus que la fureur & la vangeance. Tous ces priſonniers qui eſtoient en divers lieux dans le Chaſteau, eſtoient un peu eſtonnez de voir que l’on avoit changé leurs Gardes : & qu’on les traitoit beaucoup plus mal qu’à l’ordinaire. Ils entendoient meſme un fort grand bruit, qui leur donnoit de la crainte & de l’eſperance : Marteſie n’entendoit jamais ouvrir la porte de ſa chambre qu’elle n’euſt des penſées de mort & de liberté tout enſemble : Chriſante de qui l’ame eſtoit ineſbranlable, ſe preparoit à tout d’un viſage égal : Feraulas ſans ſonger à luy, ne penſoit qu’à ſon cher Maiſtre : Andramias accouſtumé de commander aux autres, ſouffroit impatiemment d’eſtre commandé : Araſpe portoit ſes fers en patience : Artucas ſans ſe repentit du ſervice qu’il avoit rendu à Cyrus, ſouffroit ſa priſon ſans murmurer : & Ortalque qui eſtoit un ſerviteur tres fidelle trouvoit quelque conſolation dans ſon infortune, lors qu’il penſoit en luy meſme que c’eſtoit pour ſon illuſtre Maiſtre qu’il ſouffroit. Cependant Cyrus qui voyoit beaucoup d’aparence que l’eſpoir qu’on luy avoit donné de ſa liberté, ſeroit bien toſt ſuivi d’une mort violente, donnoit