Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/286

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l’eut traité avec toute la magnificence poſſible : Polycrate voulut que la belle Peſche ſe fiſt pour luy donner ſa part de ce divertiſſement. Comme c’eſtoit à la fin de l’Automne qui eſt ordinairement tres belle à Samos : la Mer eſtoit auſſi calme qu’il le failoit pour s’y promener agreablement : mais non pas auſſi de telle ſorte, qu’il n’y euſt lieu d’eſperer que l’on ne jetteroit pas les filets inutilement dans la Mer : car le trop grand calme n’eſt pas fort bon à la peſche. Douze Galeottes peintes & dorées, furent deſtinées pour cette belle & grande Compagnie : elles avoient toutes des Tentes magnifiques ſur la Poupe : & mille Banderoles ondoyantes de diverſes couleurs les environnoient de toutes parts. Mais entre les autres, celle qui fut deſtinée à porter le Prince Polycrate, la Princeſſe Herſilée, l’Ambaſſadeur d’Egypte, la belle Meneclide, l’incomparable Alcidamie, & les principales Dames de la Cour, eſtoit la plus belle & la plus galante choſe du monde. Pour moy qui croyois que toute cette magnificence eſtoit un effet de l’amour de Polycrate pour Alcidamie, je la remarquay mieux qu’aucun autre, mais elle ne me donna pas meſme plaiſir : je fus pourtant dans la meſme Galeotte où eſtoit Alcidamie, plus belle ce jour là que l’on ne peint Galathée, Thetis, ny Venus. Tous les filets qui devoient ſervir à cette Peſche eſtoient de ſoye ; tous le Peſcheurs eſtoient habillez en Tritons, & toutes les Dames en Nereïdes : & pour leur faire avoit le plaiſir de peſcher de leur propre main ; comme nous fuſmes à un endroit où la mer eſt extraordinairement poiſſonneuse : Polycrate leur fit preſenter à toutes, des Lignes, dont le baſton eſtoit d’Ebene, avec un fil de ſoye bleuë, &