Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/346

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obligeante qu’elle ne penſoit : de ſorte que durant trois ou quatre jours, pendant leſquels Cyrus la voyoit à toutes les heures où il n’eſtoit pas occupé à viſiter les divers Poſtes qu’il faiſoit garder ; il ſe lia une aſſez grande amitié entr’eux. Car enfin Cyrus apres avoir ſatisfait la curioſité de cette Princeſſe, en luy racontant ſa fortune en peu de paroles : comme il l’aſſuroit que ſe le Roy ſon Frere vouloit rendre la Princeſſe Mandane, il luy feroit recouvrer ſes Royaumes, elle ne trouvoit pas qu’il euſt tort : & elle croyoit meſme que quand le Roy de Pont sçauroit qu’Artamene eſtoit Cyrus, & que Cyrus aimoit Mandane, & en eſtoit aimé, il changeroit de deſſein. Si bien que ne trouvant pas qu’elle deuſt regarder ce Prince comme l’Ennemy du Roy ſon Frere, elle le regardoit ſeule ment comme ſon Protecteur : & comme un Prince qui pourroit peuteſtre trouver les voyes d’eſtre le Mediateur, entre le Roy de Pont & le nouveau Roy de Bithinie : de ſorte qu’elle joüiſſoit avec quelque douceur, de la veuë & de la converſation de Cyrus. Ce Prince fut un peu embarraſſé durant quelques jours, de remarquer que cette Princeſſe ne le voyoit point ſans changer de couleur, & qu’elle le regardoit quelqueſfois en ſoupirant. Mais enfin s’eſtant encore ſouvenu de ce Portrait qu’on luy monſtra en Bithinie ; il comprit qu’il faloit que non ſeulement Spitridate auquel il reſſembloit en fuſt amoureux, mais qu’il faloit encore qu’il en fuſt aimé. Et comme il eſpera extrémement de la negociation de cette Princeſſe aupres du Roy ſon Frere, quand il sçauroit où il eſtoit : & qu’il sçavoit qu’il ny a rien de ſe engageant, que d’eſtre dans la confidence d’une perſonne qui