Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/370

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adorée, de l’homme du monde qui connoiſt le plus ce que vous valez. Celuy que vous dittes, repliqua la Princeſſe, fera mieux de connoiſtre le reſpect qu’il me doit : & pour commencer de le luy aprendre, adjouſta t’elle en ſe levant, je luy défens de me parler jamais. Comme ils en eſtoient là, j’entray dans la Chambre, & Artane ſe retira : & je vy tant de colere ſur le viſage de la Princeſſe, que j’en fus en peine : mais elle m’en oſta bien toſt, en m’aprenant la hardieſſe d’Artane : qu’elle m’exagera avec toute la chaleur que peut avoir une perſonne glorieuſe, & qui a de la haine pour celle qui l’a outragée. Je la conſolay de cette petite diſgrace, le mieux qu’il me fut poſſible ; & je la confirmay ſans doute dans le deſſein qu’elle avoit, de faire connoiſtre à Artane qu’il ne sçavoit pas de quelle ſorte il devoit vivre avec elle. Mais afin qu’elle n’ignoraſt pas une de ſes conqueſtes, le malheureux Pharnace amena la Princeſſe Ariſtée chez elle, où la converſation eſtant ſelon la couſtume fort inegale & fort diverſifiée : inſensiblement ils vinrent à parler d’Amans, de paſſion, de galanterie, & de declaration d’amour. Et comme la Princeſſe Araminte avoit encore l’eſprit fort irrité, de celle qu’Artane luy avoit faite ; pour moy, dit elle, je ne trouve rien de plus inconſideré, que d’aller dire à une perſonne qui n’a nulle obligation à celuy qui luy parle, & qu’elle n’aime point, que l’on en eſt fort amoureux : & ſe l’on avoit une fois perdu le reſpect pour moy de cette ſorte, adjouſta t’elle, il ne ſeroit pas aiſé de reparer cette faute, à celuy qui l’auroit commiſe. Si bien Madame (reprit Pharnace en ſoupirant malgré luy) que pour agir raiſonnablement ſelon vos ſentimens, il faut ai mer longtemps ſans le dire : il faut meſme