Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/377

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Cependant le Prince Spitridate s’en retournant chez luy, fut à l’Apartement d’Ariſtée, afin de rendre au Prince Sinneſis l’office qu’il en avoit reçeu ; & croyant dire la meilleure nouvelle du monde à une jeune & belle Princeſſe ; ma Sœur (luy dit il en riant, & en parlant bas, de peur d’eſtre entendu de ſes Femmes) il faut me recevoir avec plus de ceremonie qu’à l’ordinaire : car je vous aporte une Couronne, qui n’eſt pas indigne de vous. Si elle eſtoit en voſtre diſposition (luy reſpondit elle en riant auſſi bien que luy) je penſe que vous ſeriez aſſez ambitieux, pour la garder pour vous meſme ſans me l’offrir. Ne sçavez, vous pas, luy dit il en ſoupirant, qu’une violente paſſion en chaſſe une autre ? & que depuis que je ſuis amoureux de la Princeſſe Araminte, j’ay plus d’ambition que celle de luy pouvoir plaire, & de pouvoir la conquerir ? Enfin, luy dit il, ma Sœur, le Prince Sinneſis vous veut eſpouser, & je me ſuis chargé de vous le dire, & de vous obliger à le recevoir comme il merite de l’eſtre. Je ſuis bien marrie mon Frere, reprit elle, que vous ayez pris une commiſſion comme celle là : car en fin le Prince Arſamone m’a deffendu abſolument, de donner aucune eſperance au Prince Sinneſis : que je n’oſerois en avoir ſeulement la penſée. Mais c’eſt aſſurément, dit Spitridate, qu’il ne croit pas que ſon deſſein ſoit tel qu’il eſt effectivement : Pardonnez moy, luy reſpondit elle, car je luy ay dit ingenûment ce que j’en sçavois. Et ne vous en a t’il point dit de raiſon ? reprit Spitridate ; Non, repliqua Ariſtée, & la Princeſſe ma Mere l’en a meſme fort preſſé inutilement, à ce que j’ay sçeu par une de ſes Filles qui l’a entendu. Comme ils en eſtoient là, on leur vint dire que le