Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/387

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d’eſtre deſhonnoré. En effet ſon deſſein reüſſit, & nous le creuſmes ainſi : Neantmoins quand ces Princes revinrent, il parut ſi honteux durant quelques jours, qu’à peine oſoit il ſe monſtrer : & il ſe fit alors quelque raillerie dans la Cour, de ce magnifique équipage qui n’avoit point ſervy, & que l’on ramena à Heraclée, qui euſt fait faire plus d’une combat à tout autre qu’à luy. Il joüa pour tant ſi bien, qu’il ne ſe décria pas encore abſolument : agiſſant avec tant d’art, qu’il eut cinq ou ſix querelles ſans ſe battre. Comme la paix avoit eſté fort avantageuſe, la Cour fut en joye durant aſſez longtemps : jamais la Princeſſe Araminte n’avoit eſté ſi belle, ny la Princeſſe Ariſtée plus aimable : & par conſequent jamais le Prince Sinneſis, Spitridate, Pharnace, & Artane, n’avoient eſté plus amoureux. Le Roy de Pont qui n’avoit pas changé le deſſein qu’il avoit, prit alors la reſolution de l’executer : & de faire le mariage du Prince Sinneſis, & de la Princeſſe Ariſtée : & celuy du Prince Spitridate, avec la Princeſſe Araminte. Neantmoins quoy qu’il creuſt bien qu’en l’eſtat qu’eſtoient les choſes, Arſamone devoit recevoir cét honneur aveque joye : toutefois comme il eſtoit prudent, & qu’il connoiſſoit l’humeur de ce Prince un peu imperieuſe, il voulut pre— ſentir ſon intention : & il jetta les yeux ſur moy pour cela, sçachant bien que la Princeſſe Arbiane me faiſoit l’honneur de m’aimer aſſez. Il me commanda donc, en partant pour un petit voyage de huit jours, de luy deſcouvrir le deſſein qu’il avoit : afin qu’elle preparaſt l’eſprit du Prince ſon Mary à recevoir cét honneur comme il devoit le recevoir. Je vous laiſſe à juger, Seigneur, ſi j’acceptay cette commiſſion avec plaiſir : & en effet la ſatisfaction