Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/389

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plus preciſément ; cependant ne m’en parlez plus, car je sçay bien ce que j’ay reſolu de faire. Arbiane voulut alors le conjurer de luy dire un peu mieux ce qu’elle en devoit attendre : mais il la ſupplia de ne l’en preſſer pas plus long temps ; & de croire qu’il n’avoit dans le cœur que des ſentimens tres avantageux pour ſes Enfans. Comme Arſamone eſt d’humeur violente, Arbiane fut contrainte de luy ceder, de ſe taire, & de ſe retirer dans ſa Chambre, ſans avoir pû penetrer dans le fond de ſa penſée. Au ſortir de l’Apartement d’Arſamone, elle trouva Spitridate : qui apres l’avoir menée au ſien, la conjura avec tant de tendreſſe de luy vouloir eſtre favorable, que cette ſage Princeſſe en fut eſmeuë de compaſſion : & luy promit de faire tout ce qu’elle pourroit pour le ſatisfaire. Joint auſſi que comme elle ne voyoit aucune aparence qu’il fuſt poſſible à Arſamone de remonter au Throſne de ſes Peres, elle euſt bien ſouhaité que ces deux Mariages ſe fuſſent faits. Cependant je fus quatre ou cinq jours ſans autre chagrin que celuy de l’incertitude où j’eſtois de la reſponse d’Arſamone : ce n’eſt pas que je craigniſſe qu’elle fuſt abſolument mauvaiſe ; mais la melancolie de Spitridate, & le trouble d’Arbiane, joint à quelque triſtesse que je voyois dans les yeuu d’Ariſtée, me faiſoient craindre quelque choſe, que je ne comprenois pourtant pas. Pour Spitridate il eſtoit en une in quietude inconcevable : & quelque ſoin qu’il apportaſt à la cacher, la Princeſſe s’en apercevoit. Il eut touteſfois l’adreſſe de luy faire comprendre, que l’eſperance d’un grand bien, ne laiſſe pas de porter touſjours avec elle quelque eſpece de melancolie inquiete. Le Prince Sinneſis au contraire eſtoit tres