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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/430

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ma fortune, elle ſera inſeparable de la voſtre ? Je sçay bien, Madame, qu’eſtant ſans Couronne & ſans Royaume, il y a de la temerité de parler ainſi : mais puis que je ne ſuis en ce malheureux eſtat, que pour n’avoir pas voulu remonter au Throſne de Bithinie, que le Roy voſtre Frere occupe injuſtement : il me ſemble que je n’en dois pas eſtre meſprisé de la Princeſſe Araminte. Vous avez raiſon, luy dit elle, & je vous eſtime bien plus, de ce que vous meritez des Couronnes, que je ne fais ceux qui les portent ſans les meriter. Mais apres tout Spitridate, quand je vous auray promis de n’eſpouser point Pharnace, comme peut-eſtre je le puis ſans crime, vous n’en ſerez pas plus heureux : car enfin vous jugez bien, que je ne vous eſpouseray pas, contre la volonté du Roy. Il eſt une bienſeance, que les perſonnes de ma condition doivent touſjours garder : & puis quand meſme je ne le voudrois pas faire, que deviendrions nous ? Vous eſtes mal avec le Prince Arſamone pour l’amour de moy : vous n’oſeriez demeurer dans cette Cour : les Rois voiſins ne vous recevront pas, eſtant Fils d’un Prince mal heureux & foible, de peur d’irriter un jeune Roy, qui leur pourroit declarer la guerre ; Ainſi, Spitridate, quand je n’eſcouterois ny la Raiſon ny la Prudence, & que vous n’eſcouteriez que la ſeule affection que vous avez pour moy, vous n’y conſentiriez pas : & vous ne voudriez pas ſans doute mener une Princeſſe errante & déguiſée par toute l’Aſie. Non, Spitridate, non, vous ne le voudriez pas : & je ſuis aſſeurée que vous aimez Araminte d’une maniere plus noble & plus deſinteressée. Ne penſez pourtant pas, que le plus grand obſtacle fuſt la peine qu’il y auroit à ſuivre voſtre fortune : ce n’eſt