Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/479

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de ne donner pas loiſir à Artane de ſe fortifier dans Cabira. La Reine entendant parler le Roy de cette ſorte, luy advoüa la verité : & le lendemain la Princeſſe retourna à Heraclée, avec un ordre ſecret de la Reine, de prier Spitridate de diſſimuler : & de luy repreſenter que quand Araminte ſeroit ſous la puiſſance d’Arſamone, elles empeſcheroient bien qu’elle ne fuſt mal-traitée. Que de plus, le rare merite de cette Princeſſe, toucheroit peut-eſtre à la fin le cœur de ce Prince : & qu’en un mot il faloit neceſſairement, ſe contraindre & ſe déguiſer pour un temps. La Princeſſe Ariſtée s’aquita de ſa commiſſion admirablement : car dés qu’elle fut arrivé au Palais, elle envoya querir Spitridate : & luy dit tout ce que l’on pouvoit dire, ſur un ſemblable ſujet. Mais comme il ne pouvoit ſe reſoudre à feindre, que penſez vous donc faire ? luy dit elle ; la Princeſſe Araminte eſt dans les mains d’Artane, durant que vous deliberez : où je ne croy pas qu’elle ſoit mieux qu’en celles du Roy mon Pere, & que dans Heraclée, où je la pourray ſervir. Ha ma chere Sœur, dit il, mon ame eſt balancée entre de grandes extremitez ! je sçay bien qu’il faut retirer Araminte, de la puiſſance d’Artane : mais je sçay bien auſſi que je ne la dois pas delivrer, pour la remettre en priſon. On peut choiſir les malheurs comme les plaiſirs, reprit cette Princeſſe ; & je ne voy point de comparaiſon à faire, entre ceux dont il s’agit. Spitridate fut alors aſſez longtemps ſans parler, cherchant en luy meſme s’il n’y avoit point de milieu à prendre : mais plus il y penſoit, moins il en pouvoit trouver. Il euſt voulu ne manquer point de reſpect au Roy ſon Pere : il euſt ſouhaité ne ſe trouver pas dans la faſcheuse neceſſité, de déguiſer ſes veritables ſentimens : il euſt deſiré