Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/501

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à la Ville : où nous ne fuſmes pas ſi toſt entrées, que Spitridate ne pouvant plus voir la Princeſſe, remonta à cheval, & ſe retira vers les ſiens. Il dit à ſes Capitaines, ce qu’elle luy avoit ordonné de leur dire : & ſans perdre temps, il en choiſit un appellé Democlide, pour l’envoyer vers Arſamone. Comme cét homme a aſſurément beaucoup d’eſprit, & qu’il avoit une amitié tres grande pour ce Prince, il ne pouvoit pas mieux choiſir : il luy raconta donc toute ſa vie, afin de l’obliger à entrer mieux dans ſes ſentimens : Il le chargea d’une Lettre, pour la Reine ſa Mere, & d’une autre pour la Princeſſe ſa Sœur : il eſcrivit meſme au Roy ſon Pere, avec toute la ſoumission imaginable : & il n’oublia rien, de tout ce qu’il creut capable de le porter à ſe contenter d’avoir reconquis ſon Royaume, ſans vouloir uſurper celuy d’un autre. Tout ce que la Politique a de plus fin & de plus adroits, luy paſſa dans l’eſprit, pour en inſtruite Democlide : afin de perſuader à Arſamone, qu’il valoit mieux poſſeder un Royaume en paix, que d’en avoir deux en guerre. Mais durant que Spitridate depeſchoit ce Capitaine, la Prince s’affligeoit, au lieu de ſe conſoler : & elle euſt preſques bien ſouhaité pour ſon repos, qu’il ne luy euſt pas parlé ſi obligeamment qu’il avoit fait. Il y avoit pourtant des inſtans, où elle eſtoit bien aiſe de ne s’eſtre pas trompée en ſon choix : & de n’eſtre pas obligée de ſe repentir, d’avoir aimé Spitridate. Ces moments de conſolation, eſtoient neantmoins bien rares : car quand elle venoit à conſiderer l’eſtat preſent de ſa fortune, & qu’elle jettoit les yeux ſur l’advenir : elle n’y voyoit que des choſes ſi faſcheuses, que l’eſperance n’avoit