Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/508

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demeurez en repos, durant que j’iray en quelque lieu du monde cacher mes larmes & mes malheurs. Quoy Madame, luy dit il, vous pouvez donner un ſemblable conſeil à un homme à qui vous avez promis de conſerver voſtre eſtime ! Et comment, Madame, le pourriez vous faire, s’il faiſoit une laſcheté comme cella là ? Non non divine Princeſſe, vous n’avez pas ſongé à ce que vous avez dit : ou vous l’avez dit ſeulement, pour eſprouver ma conſtance. Cependant comme il n’y a point de temps à perdre, partons s’il vous plaiſt Madame : & quand nous ſerons arrivez à la Mer, & que vous ſerez dans un Vaiſſeau, vous direz apres quelle routte vous voudrez que nous prenions : car pour moy il n’y a point de lieu en toute la Terre, où je n’aille aveques vous. La Princeſſe reſista encore quelque temps à Spitridate : & quoy qu’elle fuſt bien aiſe qu’il ne luy accordaſt pas ce qu’elle luy demandoit ; elle ne laiſſa pourtant pas d’inſister avec aſſez d’opiniaſtreté en apparence. Mais enfin eſtant inrervenuë dans leur diſpute ; Madame, luy dis-je, il n’eſt plus temps de deliberer : l’heure preſſe ; Spitridate ſeroit peut-eſtre plus en danger aupres du Roy ſon Pere qu’aupres de vous : & Democlide vient de m’advertir, que toutes choſes ſont preſtes pour voſtre départ. Enfin, Seigneur, Spitridate donna la main à la Princeſſe ; Nous ſortismes heureuſement du Chaſteau & de la Ville, accompagnées ſeulement de ce Prince ; de l’Eſcuyer qu’il avoit amené ; de Democlide ; & des deux Capitaines qui eſtoient de l’intelligence ; & nous entraſmes dans le Bateau qui nous attendoit. Jamais fuitte ne fut plus heureuſe que celle là, car nous ne trouvaſmes aucun obſtacle. Les Troupes de Democlide quand nous fuſmes arrivez où elles eſtoient, coſtoyerent touſjours le rivage juſques