Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/54

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pour la garde des Portes, & pour celle du Chaſteau ; où il s’en retourna rendre conte à Ciaxare de ce qu’il avoit fait dans la Ville. Le Roy d’Hircanie & tous ceux qui n’avoient pas encore veû ce Prince, depuis ce qui s’eſtoit paſſé, luy furent preſentez par Ariobante : & la nuit ayant enfin congedié tout le monde, Cyrus par les ordres de Ciaxare, fut remis en ſon ancien Apartement : où il ne fut pas ſi toſt, qu’il y eut preſſe à luy aller teſmoigner la joye que chacun avoit de le revoir en liberté. Mais apres que tous ces complimens furent reçeus & rendus, & qu’il n’y eut plus que Chriſante & Feraulas aupres de luy : il les embraſſa tous deux, avec une tendreſſe extréme. Et bien mes chers Amis, leur dit il, avons nous fait une veritable paix avec la Fortune ? ou le calme dont nous commençons de joüir, ne ſera t’il qu’une tréve, pour nous donner loiſir de nous preparer à de nouveaux malheurs ? Les Dieux, reprit Chriſante, ont eſprouvé voſtre vertu par tant de differentes voyes, qu’il ſeroit difficile de prevoir ce qui vous doit arriver : Mais enfin, Seigneur, interrompit Feraulas, vous eſtes libre ; vous eſtes connu pour eſtre Cyrus, Ciaxare le sçait ; il n’ignore pas voſtre paſſion pour la Princeſſe ; & la Princeſſe ne vous hait point. Il eſt vray, reprit Cyrus en ſoupirant ; mais la Princeſſe eſt en Armenie : & en la puiſſance d’un Rival. Ouy Seigneur, reprit Feraulas, mais c’eſt un Rival à qui la Fortune a eſté ſi contraire en ambition, qu’il n’eſt pas croyable qu’elle le favoriſe en amour. Ce fut avec de ſemblables diſcours, que Chriſante & Feraulas entretindrent leur cher Maiſtre, juſques à ce qu’il ſe miſt au lict : Mais il n’y fut pas ſi toſt, que tous les prodigieux changemens de ſa fortune luy revinrent dans la memoire : &