Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/559

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ans, d’une aſſez eſtrange maniere. Car ſans rien entreprendre contre la Ville, il mettoit ſeulement toutes les années, a la Saiſon de la recolte, une grande & puiſſante Armée ſur pied, qu’il menoit dans les Terres des Mileſiens : & là ſans bruſler les Maiſons, ny détruire pas un Village ; il faiſoit ſeulement enlever tous les bleds & tous les fruits, & puis il s’en retournoit, ſans s’arreſter dans leur Païs. Comme mon Pere eſtoit le plus fort ſur la Mer, il sçavoit bien qu’il luy euſt eſté inutile de venir attaquer Milet, par terre ſeulement, puis qu’il ne pourroit l’affamer : mais il eſperoit que les Mileſiens eſtant forcez d’acheter des bleds des Eſtrangers, s’eſpuiseroient d’argent, & ſe revolteroient en ſuitte contre leur Prince. Il n’en alla pourtant pas ainſi : car juſques à ce que mon Pere ſe fuſt rendu Maiſtre abſolu de ſon Peuple, par une fermeté un peu ſevere, il ne quitta point la Ville : diſant à ceux qui luy en parloient, que la Mer luy pouvoit redonner des bleds, mais que rien ne luy pourroit rendre Milet s’il l’avoit perdu. Enfin apres qu’il eut obligé le Peuple par la crainte à ſe ſoumettre abſolument, il ſe mit en campagne auſſi toſt apres la mort de Sadiatte : de ſorte que comme le nouveau Roy de Lydie avoit intention de ſe ſignaler, ils firent la guerre d’une autre façon. Le Prince mon Pere ſans eſtre ſecouru d’aucun Peuple des Ioniens, excepté de ceux de l’Iſle de Chio, qui ſe ſouvinrent du ſecours qu’il leur avoit donné, quand ceux d’Erithrée leur faiſoient la guerre, ſe vit en eſtat donner la celebre Bataille de Limenie : & celle qu’il donna en ſuitte ſur les bords de la Riviere de Meandre où il tua de ſa main, le Fils du Prince de Phocée. Car encore que ces deux Batailles fuſſent ſanglantes