Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/571

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apris donc en un meſme jour, la mort de mon Pere, la perte de mon Eſtat ; la trahiſon de mon Frere & de mes Sujets, & tout cela ſans y pouvoir trouver de remede. Comme la plus grande partie de mes Vaiſſeaux eſtoient briſez, j’eſtois abſolument hors de pouvoir de rien faire ny de rien entreprendre : n’ayant pas aſſez de Soldats pour faire une deſcente, & pour attaquer Milet du coſté de la terre, ny rien de tout ce qu’il faut avoir pour un Siege : & je ne sçavois pas meſme trop bien comment m’eſloigner de la Ville, veû le deſordre où, l’orage avoit mis toute ma Flotte. Le ſage Thales me manda encore, qu’il me conjuroit de ne vouloir pas deſtruire ma Patrie, pour mon intereſt particulier : & d’attendre mon reſtablissement & ma vangeance du temps ; de mes Amis ; de la méchanceté d’Alexideſme ; & des Dieux : qui eſtoient trop equitables, pour ne punir pas mes ennemis : & pour ne recompenſer pas ma vertu, ſi je sçavois bien uſer de cette infortune. J’admiray ce conſeil quand je l’eus reçeu, mais j’avouë que je ne le ſuivis pas ſans peine : & que ce fut pluſtost par neceſſité que par choix, que j’agis ſelon les intentions de Thales. Cependant la Mer eſtant devenuë aſſez calme, quoy que mes Vaiſſeaux fuſſent en mauvais eſtat, je taſchay de gagner une des Iſles la plus proche dont toute cette Mer eſt ſemée, afin de les y faire racommoder. J’envoyay touteſfois ſecrettement porter un Manifeſte à Milet : par lequel je faiſois sçavoir à tous mes Sujets, que la pretenduë Declaration du Prince mon Pere eſtoit fauſſe : & qu’Alexideſme eſtoit non ſeulement un rebelle & un uſurpateur : mais que Melaſie ſa Mere avoit empoiſonné ſon Mary, afin de faire regner ſon