Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/573

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trop loing. ou qu’ils m’euſſent voulu abandonner pour s’en retourner à Milet, je n’en apris aucunes nouvelles, Des trois qui me reſtoient, il n’y en eut meſme que deux que l’on peuſt remettre en mer : qui ne furent pas pluſtost en eſtat, que je me reſolus d’aller à Leſbos, pour voir ſi l’amitié que j’avois contractée avec Tiſandre, fils du ſage Pittacus Prince de Mytilene, ne ſubsisteroit pas encore malgré mes malheurs.

Je fus donc avec deux Vaiſſeaux ſeulement chercher ce genereux Amy, qui me reçeut avec une bonté extréme : & qui me fit recevoir du Prince ſon Pere avec les meſmes honneurs, que ſi je n’euſſe pas eſté dépoſſedé de mes Eſtats. Je fus donc quelque temps en cette Cour là : pendant quoy j’envoyay vers Periandre Roy de Corinthe luy demander ſecours : mais il eſtoit alors ſi occupé chez luy, par quelques factions qui partageoient tous les Grands de ſon Royaume, qu’il ne ſe trouva pas eſtre en termes de me pouvoir aſſister. Le Prince Polycrate fit auſſi la paix avec Alexideſme, comme firent ceux de Prienne : & le Prince de Phocée qui eſtoit de ce Parti, & qui le ſoustenoit ardemment, engagea tous ceux avec qui il avoit alliance, à le ſoustenir comme luy : de ſorte que je ne vy apparence aucune de rien entreprendre, avec le ſecours ſeul du Prince de Mytilene. Joint que par l’intelligence que je conſervay touſjours avec le ſage Thales, je sçeû qu’il avoit découvert qu’Anthemius qui avoit paru ſi zelé pour Alexiſdeme, animoit ſourdement le Peuple contre cét Uſurpateur : ſi bien qu’il y avoit lieu de croire qu’il y auroit bientoſt quelque nouveau changement à Milet. Qu’ainſi le mieux que je pouvois faire, eſtoit de n’irriter point les Peuples, en leur