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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/601

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la Chambre, elles ſe leverent, & Alcionide s’en vint à moy avec une civilité ſi obligeante, & avec tant de marques de ſatisfaction & de reconnoiſſance ſur le viſage ; qu’à peine eus-je rencontré ſes yeux, que ſes regards remettant le reſpect dans mon ame, je fus ſi remply de confuſion, d’avoir conſenty au criminel deſſein que Leoſthene m’avoit propoſé ; que non ſeulement j’en paſlis & en rougis preſques en un meſme inſtant ; mais mon eſprit ſe troublant, & reſpondant moy meſme tout haut à mes propres penſées : Non Madame ? m’écriay-je tout d’un coup, je n’y conſentiray jamais ; & j’aime cent fois mieux mourir. Alors luy preſentant la main, ſortez Madame, luy dis-je tout tranſporté, ſortez d’un lieu indigne de vous : & ne vous fiez jamais à des pirates. Mais Madame ſortez promptement, je vous en conjure : de peur qu’un repentir ſi raiſonnable comme eſt celuy que j’ay maintenant dans le cœur, ne ſoit ſuivy d’un autre plus criminel. Alcionide fut ſi eſtonnée & ſi ſurprise de mon procedé, qu’elle ne sçavoit que penſer : neantmoins elle voyoit tant de trouble ſur mon viſage, qu’elle s’en troubla un peu elle meſme : ne sçachant preſques ce qu’elle me devoit reſpondre. Auſſi n’attendis-je pas ce qu’elle diroit : & voyant que l’on commençoit d’obeïr à Leoſthene, & qu’il avoit deſja l’Eſpée à la main, & le bras levé pour couper le Cable qui nous retenoit à l’Anchre ; je le luy deffendis abſolument. Puis me tournant encore vers Alcionide, accordez moy ce que je vous demande, luy dis-je, quoy que ce que je vous demande me doive couſter la vie. Mais (me dit elle en me donnant la main, & en ſe diſposant à ſortir) ne me direz vous point quelle avanture eſt celle-cy ? Quand vous ſerez ſur le rivage,