Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/612

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m’abordant, qu’elle avanture eſt la noſtre ? Laiſſez moy dire pluſtost, luy reſpondis-je, quelle avanture eſt la mienne ! Ha s’écria t’il, vous n’eſtes pas ſi à pleindre que moy : car enfin les ſentimens de l’amitié, ne ſont pas ſi tendres que ceux de l’amour. Vous m’aimez ſans doute, & vous devez eſtre affligé de m’avoir combatu : & d’eſtre peut-eſtre cauſe de la mort d’une Perſonne que j’adore, & que je viens d’eſpouser. Mais……… Vous venez, dis-je en l’interrompant, d’eſpouser cette belle Perſonne ? Ouy cruel Amy, me reſpondit il, & jugez apres cela de la douleur de mon ame : mais de grace ſouffrez au moins que je voye encore une fois, cette belle & malheureuſe Perſonne. En diſant cela, il fut dans la Chambre où elle eſtoit, & j’y rentray aveques luy : mais il n’y fut pas ſi toſt, que luy prenant la main ; la luy baiſant ; & la moüillant de ſes larmes, il luy donna cent marques de douleur & d’amour que je n’oſois pas luy rendre. En cét eſtat ſes yeux rencontrerent les miens : & elle y vit ſans doute ſi parfaitement une partie de la douleur que je ſouffrois ; qu’elle deſtourna les ſiens en rougiſſant. Tiſandre l’ayant remarqué, & craignant de luy nuire encore, s’éloigna d’elle : n’imaginant point d’autre cauſe au changement de ſon viſage, que celle du mal qu’elle ſouffroit. Nous demandaſmes aux Chirurgiens ce qu’ils en penſoient : mais ils nous dirent qu’ils n’en pouvoient parler preciſément juſques au ſecond appareil : n’ayant pas bien pû connoiſtre ſi les nerfs n’eſtoient point offencez, & s’il n’y auoit point de vaines coupées. Cependant j’apris en peu de mots, que Tiſandre s’eſtant guery de la paſſion qu’il avoit euë pour la belle & sçavante Sapho, avoit conſenty