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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/631

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qui m’aimoit veritablement, me vint chercher, & me mena dans la Chambre d’Alcionide : me priant & me conjurant touſjours, de faire effort pour me contenter de ſon amitié. J’y fus donc, & l’entendis en y entrant, qu’elle dit tout haut à la meſme Fille à qui elle avoit donné ma Lettre, qu’elle ne manquaſt pas de faire ce qu’elle luy avoit ordonné. Ce diſcours fit que je changeay de couleur : & que je regarday ſi attentivement Alcionide, qu’elle en abaiſſa les yeux. Je ne vous diray point, Seigneur, quelle fut cette converſation : car je ne penſe pas que jamais trois Perſonnes ſe ſoient tant aimées & tant ennuyés enſemble, que nous fiſmes ce jour là. Tiſandre aimoit paſſionnément Alcionide, & m’aimoit auſſi beaucoup : mais parce que j’aimois ce qu’il aimoit, je voyois bien que ſoit par la compaſſion qu’il avoit de moy, ou par quelque autre ſentiment qui s’y meſloit, il ne ſe divertiſſoit guere en ma compagnie. Alcionide aimoit ſans doute Tiſandre, & ne me haïſſoit point : mais parce que ma paſſion ne pouvoit plus luy paroiſtre innocente, & que de plus Tiſandre ne l’ignoroit pas, elle en avoit l’eſprit tres inquiet. Pour moy, j’avois eu autant d’amitié pour Tiſandre, que l’eſtois capable d’en avoir : & j’avois plus d’amour pour Alcionide, que perſonne n’en a jamais eu pour qui que ce ſoit. Mais parce que mon Amy eſtoit poſſesseur d’un Threſor ſi rare ; qu’outre cela il sçavoit que j’eſtois amoureux d’Alcionide ; & que ſe sçavois auſſi qu’Alcionide eſtoit reſoluë de m’oublier abſolument, je ne pouvois preſques ny commencer de parler, ny reſpondre : & je ſortis enfin de cette Chambre, avec quelque eſpece de conſolation : quoy que ce ne ſoit pas l’ordinaire de