Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/653

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la Reine leur Mere juſques à ce Palais. En y allant, ils ne parlerent que des vertus de Cyrus : Phraarte loüoit ſa valeur ; la Reine d’Armenie ſa generoſité ; les Princeſſes ſes Filles ſon eſprit & ſa clemence ; & Tigrane qui le connoiſſoit encore mieux qu’ils ne le pouvoient connoiſtre, leur en diſoit encore cent choſes avantageuſes. Mais ayant remarqué que la Princeſſe Oneſile ſa Femme ne parloit point : & luy ſemblant que Cyrus n’eſtoit pas aſſez dignement loüé, s’il ne l’eſtoit auſſi de la Perſonne de toute la Terre qu’il aimoit le plus : n’eſt il pas vray, luy dit il, qu’il n’y a jamais eu d’homme au monde, de qui la mine ſoit plus haute & plus noble que celle de Cyrus ? En verité, luy repliqua t’elle, je ne puis parler que de ſa magnanimité, & point du tout de ſa bonne mine ; car je ne l’ay point regardé. Et qui donc, luy demanda t’il, a pû occuper les regards d’Oneſile, pendant cette genereuſe converſation ? Celuy qui a offert ſa vie pour la delivrer, reſpondit elle, & quelle prefere à tout le reſte de l’Univers. Une reſponse ſi obligeante & ſi tendre, engagea encore Tigrane apres qu’il l’en eut remerciée, à continuer l’Eloge de Cyrus, afin, diſoit il, de luy faire le Portraict de celuy qu’elle n’avoit point regardé, & qui eſtoit ſi digne de l’eſtre. Une heure apres Cyrus mena le Roy d’Armenie à Ciaxare, qui depuis le matin ſe trouvoit mieux : mais en arrivant dans Artaxate, jamais on n’a donné tant de loüanges à Cyrus, qu’il en reçeut en cette occaſion : & tous les Conquerants qui ont mené en Triomphe les Rois qu’ils avoient vaincus, n’ont jamais eu tant de gloire en les menant chargez de chainez comme des Eſclavez, que Cyrus en reçeut & en merita,