Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/659

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long de la Riviere d’Halis eſtoient inutiles : on aprenoit bien de quelques Peſcheurs qu’ils avoient veû un Bateau dans le temps qu’on leur marquoit, plein de Soldats, & où il y avoit des Femmes, mais ils n’en sçavoient pas d’avantage. De ſorte que Cyrus & le Roy d’Aſſirie ſouffroient tout ce que deux cœurs veritablement amoureux peuvent ſouffrir. Toutes les Victoires de Cyrus, ne le conſoloient point de cette cruelle abſence de Mandane : & toutes les pertes qu’avoit faites le Roy d’Aſſirie, ne partageoient point non plus ſon eſprit, qui n’eſtoit ſensible que pour Mandane ſeulement. Ils eſtoient donc fort occupez à cette inutile recherche, pendant laquelle les Chaldées voiſins des Armeniens & leurs ennemis, qui deſcendant de leurs Montagnes les incommodoient tres ſouvent furent ſoumis par Cyrus : qui en quatre jours les aſſujetit ; & les rendit heureux en les reconciliant avec les Armeniens, de qui ils avoient autant de beſoin que les Armeniens en avoient d’eux. De ſorte que de toutes parts il ſembloit que la Fortune vouluſt favoriſer Cyrus : car de toutes parts les Peuples luy obeïſſoient ſans peine : & ſoit par ſa valeur ou par ſa clemence, il eſtoit Vainqueur de tout le monde. Mais il ne le pouvoit eſtre de ſa propre douleur, qui ne luy donnoit point de repos : Il alloit quelqueſfois chercher à ſe pleindre & à eſtre pleint, aupres de la Princeſſe Araminte : qui de ſon coſté ſe pleignoit auſſi non ſeulement de ſes anciens malheurs, mais de la nouvelle paſſion de Phraarte, qui devenoit tous les jours plus violente : le ſupliant de ne la laiſſer pas en Armenie quand il en partiroit. Ciaxare s’affligeoit auſſi avec excés de la perte de ſa Fille : ainſi on peut dire, que jamais Vainqueurs n’ont