Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/79

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de voyager, pour s’inſtruire des couſtumes eſtrangeres : neantmons mon Pere voulut que j’allaſſe faire mes Eſtudes à Athenes : & que je demeuraſſe encore apres à Corinthe, juſques à ma vingtieſme année : où j’apris en l’un & en l’autre de ces lieux celebres, tout ce qu’un homme de ma condition eſtoit obligé de sçavoir : tant pour les exercices du corps, que pour les choſes neceſſaires à former l’eſprit, & à s’inſtruire à la connoiſſance de tous les beaux Arts. De ſorte que lors que j’eus ordre de retourner à Delphes, l’on peut dire que je me trouvay Eſtranger en mon propre Païs : eſtant certain que je n’y connoiſſois preſque perſonne. Je sçavois bien encore les noms de toutes les Maiſons de qualité de la Ville : je connoiſſois encore un peu les vieillars & les vieilles femmes : Mais pour les jeunes gens de ma volée, & pour les belles Perſonnes, je ne les connoiſſois point du tout. J’arrivay donc à Delphes de cette ſorte : c’eſt à dire regrettant Athenes & Corinthe comme ma Patrie : où j’avois toutefois veſcu ſans nul attachement particulier, quoy qu’en l’un & en l’autre de ces lieux il y ait de fort belles Dames. En entrant à Delphes, j’apris que mon Pere avoit eu une affaire importante, qui l’avoit obligé de partir, pour s’en aller à Anticire, qui eſt une autre Ville de la Phocide ; & qu’il avoit ordonné en partant, que je l’y allaſſe trouver auſſi toſt que je ſerois arrivé. Le ſoir meſme je fus viſité de diverſes perſonnes : Mais entre les autres, un de mes parens nommé Meleſandre, toucha d’abord mon inclination. Et en effet c’eſt un garçon plein d’eſprit & de bonté, & de qui l’humeur agreable m’a eſté un puiſſant ſecours dans mes chagrins. Comme il me plût infiniment j’eus le bonheur de ne luy