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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/90

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ne m’eſtois pas imaginez : quoy que je me fuſſe formé une idée de ſon eſprit, auſſi accomplie que celle de ſa beauté. Je la vy belle ; je la vy douce & civile ; je la vy modeſte & galante ; je luy trouvay l’eſprit aiſé & agreable : & entre cent mille perfections, je n’aperçeus pas un deffaut. Mais ce qui me plût encore extrémement, ce fut qu’entre tant d’Amants qui l’environnoient, je n’en remarquay point de favoriſé. Elle agiſſoit avec eux d’une certaine maniere, en laquelle il paroiſſoit un ſi grand détachement, qu’elle m’en engagea davantage : & malgré ſa douceur, il y avoit je ne sçay quel noble orgueil dans ſon ame, qui faiſoit qu’elle triomphoit de tous les cœurs, ſans en faire vanité : & ſans rien contribuer par ſes ſoings aux conqueſtes qu’elle faiſoit, elle conqueſtoit pourtant tout ce qui la pouvoit voir. Comme l’Amour avoit reſolu ma perte, il fit qu’elle dit ce jour là ſans en avoir le deſſein, une choſe qui me donna quelque eſpoir, dans ma paſſion naiſſante : car comme je voulois luy faire connoiſtre que j’avois eu intention de la viſiter, dés le premier jour que j’avois eſté à Delphes : Vous avez eſté long temps, me dit elle, à executer un deſſein qui m’eſtoit ſi avantageux ; puis que ſi je ne me trompe, vous eſtiez deſja icy le jour que l’on offrit au Temple les preſens du Roy de Lydie : du moins il me ſemble, ſi ma memoire ne m’abuſe, que je vous vy avec Meleſandre : que je vous regarday comme un Eſtranger qui ne le paroiſſoit pas ; & qui meritoit que l’on euſt la curioſité de sçavoir ſon Nom. Et en effet, adjouſta t’elle fort obligeamment, je m’en informay à une de mes Amies, qui ne pût me ſatisfaire. Un diſcours qui n’eſtoit ſimplement que civil, & preſque pour entretenir la converſation avec une perſonne qu’elle ne connoiſſoit