Au reste, dans le jugement que vous ferez de vous-même, prenez garde qu’il n’y ait rien que de juste & de véritable, & que la vaine gloire n’y ait point de part. Car encore que vous connoissiez beaucoup mieux votre misere, qu’un autre aveuglé par l’amour propre, ne connoit la sienne, vous serez toujours bien plus criminel & plus puissant que lui du côté de la volonté, si nonobstant la connoissance que vous avez de vos défauts, vous ne laissez pas de vouloir passer pour saint dans l’esprit des hommes.
Afin donc que cette connoissance vous délivre de la vaine gloire, & vous rendre agreable à celui qui est le Pere & le Modele des humbles ; ce n’est pas assez que vous ayez un bas sentiment de vous-même, jusqu’à vous juger indigne de tout bien & digne de tout mal : il faut de plus que vous désiriez d’être méprisé du monde : il faut que vous ayez en horreur les louanges, & que vous aimiez