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Page:Segalen - L’Observation médicale chez les écrivains naturalistes.djvu/75

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Idole » a très heureusement échappé à l’un et à l’autre de ces défauts scéniques. M. Brieux, quoique — et peut-être parce que — traitant un sujet plus médical encore[1], les a délibérément proscrits, ces mots dangereux et, « bien que fort renseigné sur le sujet dont il parle, n’a pas adopté absolument les termes spéciaux, le style particulier du traité de pathologie »[2] ; délibérément, disons-nous, et nous récusons la suite du commentaire : « on dirait presque que c’est à son insu et qu’il les aurait employés s’ils lui étaient venus sous la plume »[3].

Ils lui sont venus à la plume comme ils lui viennent aux lèvres, abondants et précis, ces termes spéciaux. Il les a délibérément évincés, et cela, dès l’Évasion, dont le sujet, l’Hérédité maîtresse, eût pleinement toléré de documentaires et techniques tirades.

À vrai dire, ces termes précis, épineux à la scène, y sont peu nécessaires, suppléables souvent par le Geste, autre genre d’expression scientifique.

« J’eus soin, lors des répétitions de l’Évasion, nous expliqua très bienveillamment M. Brieux, d’indiquer moi-même, à mon acteur, le geste caractéristique des « angoreux » et lui recommandai de porter la main à la poitrine au moment des crises ». C’était son droit. Une ressemblance malheureuse complétée par le maquillage maladroit de l’acteur en question, le fit incriminer d’avoir visé Charcot (d’autres disent Gilles de la Tourette). On parla de cynisme et M. le Dr Prieur conclut dans le Mercure de France : « Je crois même que ce dernier mot est insuffisant quand on se souvient qu’à la répétition générale le professeur Bertry, ce guignol incohérent, qu’un accès d’angine de poitrine venait frapper au dernier acte, avait pris la tête et les gestes de Charcot que l’angine de poitrine avait frappé à mort, une nuit

  1. Brieux, Les avariés.
  2. Dr Albert Prieur, La science et le théâtre, de l’Évasion aux Avariés, Mercure de France, décembre 1901, p. 667.
  3. Ibidem.