LES MAÎTRES-DU-JOUIR
L’homme au nouveau-parler promena des regards clignotants sur la foule et commença de discourir aux gens du rivage Atahuru :
— « Le dieu a tant aimé les hommes qu’il donna son fils unique, afin que ceux qui se confient en lui ne meurent point, mais qu’ils vivent toujours et toujours. »
On entendit cela. Ou plutôt on crut l’entendre : car l’étranger, se hasardant pour la première fois au langage tahiti, chevrotait ainsi qu’une fille apeurée. Le regard trouble et bas, les lèvres trébuchantes, les bras inertes, il épiait tour à tour l’assemblée, ses quatre compagnons et les deux femmes à peau flétrie qui les accompagnaient partout. Il hésitait, tâtait les mots, mâchonnait des vocables confus. Néanmoins on écoutait curieusement : le piètre parleur annonçait ce que nul récitant n’avait jamais dit encore : qu’un dieu, père d’un autre dieu, pris de pitié pour des vivants, livra son fils afin de les sau-