Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/311

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profitables à tous, les fautes de quelques-uns. Il désira voir ces fautes nombreuses : sa route s’en élargirait encore.

Car déjà, certain du succès, le diacre aménageait en son esprit, la rive, les sentiers, la plage, la vallée ; il les peuplait d’une foule empressée ; il imaginait immense et magnifique cette maison-de-prières, qui, pour ses yeux épanouis montait, tout d’un essor, de la terre sanctifiée. Lui-même, diacre de second rang, puis diacre de premier rang, se vit, tout près du Missionnaire, — même : en place du Missionnaire ! et parlant à l’assemblée. L’assemblée se tendait vers lui. Les dormeurs ? On les bâtonnait. Les femmes ? On les forçait au silence. Alors il ouvrait le Livre avec un air réservé, et d’une voix monotone et pieuse, il commençait une Lecture. Tout cela parut, le temps de respirer deux fois, si proche et si clair, qu’il se surprit, ouvrant la bouche, levant le bras, à haranguer la foule figurée… Mais il n’avait gesticulé que pour les crabes et les troncs d’arbres. Il s’arrêta court, avec un dépit.

Derrière lui, survenait Aüté : il n’avait pas trouvé son amie, et la mort du fétii de Papara lui semblait un parler menteur. Iakoba, se détournant, feignait une grande attention à scruter le récif, — là, devant, à gauche de la pointe… En effet, des gens couraient et criaient au long du corail, pourchassés par des hommes en pirogues qui pagayaient à leur aise dans les eaux-intérieures. Toute la troupe approchait