l’oubli d’un haèré-po, la ruée du peuple à toucher l’autel ? — Mais le bon sommeil avait passé : les dieux n’avaient-ils point dormi de même, puisque rien ne se manifestait dans les nuages ou sur les eaux… Et pour la faute, on s’en prendrait au coupable, — quelques riverains, sans hâte, se mirent à sa recherche, — ou bien à d’autres, ou bien à personne. Les atua se taisaient toujours, l’Arii restait indifférent, et la fête, à peine suspendue, reprit tous ses ébats : vite, on ménageait des places rondes où préparer la boisson rassurante, le áva de paix et de joie, — que les Nuú-Hiviens, dans leur rude langage, appellent kava. Autour du bassin à quatre pieds creusé dans un large tronc de tamanu, s’assemblaient par petits groupes les gras possesseurs-de-terres, leur fétii, leurs manants, leurs femmes. Une fille, au milieu du cercle, écorçait à pleines dents la racine au jus vénérable, puis, sans y mêler de salive, la mâchait longuement. Sur la pulpe broyée, crachée du bout des lèvres avec délicatesse dans la concavité du tronc, elle versait un peu d’eau. On brassait avec un faisceau de fibres souples qui se gonflaient de liquide, et que la fille étreignait au-dessus des coupes de bois luisantes. À l’entour, les tané buvaient alors la trouble boisson brune, amère et fade, qui brise les membres, mais excite aux nobles discours.
Les cercles s’agrandirent. Des torches de bambous desséchés craquaient avec des éclats rouges. Déjà les