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Müller. — « La Métaphore a été le trait caractéristique de toute une période dans l’histoire primitive du langage, période mythique », à tendance homonymique, où les racines étaient peu nombreuses et possédaient en revanche de nombreuses significations. Ces quelques racines à sens multiples correspondent, ce nous semble, au siphon de la Pholade, siphon unique et pourtant « nombreux ». Et M. Max Nordau lui-même n’hésiterait pas à rapprocher cette période mythique du stade de l’évolution sensorielle dit par lui « gélatineux ». Mais alors, user de métaphores en notre ère aux vocables multiples et différenciés, c’est régresser et dégénérer ? Pourtant, il est impossible de s’en épurer : « Sous le microscope de l’Étymologie, presque chaque mot laisse apercevoir des traces de sa première conception métaphorique[1]. »

Alors, ne plus parler ?… ne plus penser ?… Que conseillerait M. Max Nordau aux timorés du recul ?

§

Imperturbable pourtant, et forte de sa sincérité, la Synesthésie-Figure poursuit sa marche et marque un stade en littérature, comme la Synesthésie-Sensation précise une époque de notre évolution sensorielle. Encore éparses et d’allure aberrante en les cerveaux, pourtant nombreux déjà, qui peuvent en témoigner, elles semblent en progrès, se coordonnent, se situent comme Fonctions nouvelles de la mentalité.

Sans en augurer encore d’insoupçonnées jouissances, nous les croyons fécondes en plaisirs esthétiques. « Voyez-vous », nous écrit à ce sujet M. Saint-

  1. Max Muller.