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Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/6

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thropie : le P. Castel rêvait une musique « à l’usage des sourds »[1].

À défaut des savants, les artistes persévèrent. Goethe (Théorie des sons et des couleurs) ne reste pas indifférent, Gautier (la Presse) retrouve ces corrélations dans l’excitation transitoire du Haschisch, et en note la valeur artistique. Les virtuoses et techniciens de la musique s’y laissent gagner (Joachim Raff, Louis Ehbert). L’audition colorée va chercher à Londres le baptême scientifique (London Medical Record, décembre 1882) et en revient, semble-t-il, définitivement orthodoxe. Ses temps héroïques sont terminés. Suarez de Mendoza lui consacre une consciencieuse monographie. Millet, médecin de marine, y introduit l’élément précis de la statistique. Les thèses se multiplient. Un excellent travail de Destouches met en relief ses adaptations possibles aux choses de l’art.

Nous renvoyons, pour tout détail, aux travaux précédents. Nous essaierons simplement de fixer à grands traits les déductions logiquement acceptables qui font des synesthésies de puissants moyens d’art — mais d’art intime, — de prodigieux outils — mais d’usage rigoureusement personnel, — d’efficaces et bénins excitants aux cerveaux de poètes sommés toujours d’exprimer du Nouveau, de faire œuvre créatrice ; quelque chose, en un mot, comme des forceps figurés, aidant à l’enfantement parfois douloureux de nouveaux Êtres, dans le monde des Idées et des Sensations.

§

Exemples et Théories. — Deux à deux, juxtaposons au hasard les différentes données fournies

  1. Annales d’oculistique. Dr Dujardin, de Lille. Janvier 1898.