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Page:Segalen - Peintures, 1918.djvu/104

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On les verrait seulement ridicules s’ils ne conduisaient, vivantes et musclées, ces montagnes en marche, ces êtres gris, nés du soleil et du chaud : quatre jambes, rondes et larges comme des poteaux de temples : des oreilles en éventail, un nez docile, étiré sur deux brasses de long : ceux-là qu’on nomme « éléphants » s’attelleront très dignement au char du Fils du Ciel, — ou, s’il dédaigne, — feront de bonnes montures de combat. Deux d’entre eux, à la peau verte, déjà vêtus de cuirasses… remarquez ce tout petit sachet doré qui pend à leur cou.

C’est le baume des batailles. C’est plein de fiel humain recueilli durant les nuits de chasse à l’homme : vienne la victoire obligée, on en frotte le front de ces gros animaux, et soudain convaincus, emportés, fous d’écraser et de broyer, ils trottent dans les champs d’ennemis, récoltant les têtes comme des grains, écrasant les troncs, et, cabrés, ils barrissent de joie.