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Page:Segalen - Peintures, 1918.djvu/114

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mes, et, plus que de toutes vos femmes, de celle-là qui, n’étant pas la vôtre, s’empara d’autant plus de vous ? Et jetez au vent la tendresse pour des enfants qui, sans doute, ne naîtront jamais : car on ne passe point deux fois cette mer. Et négligez le désir louable de saluer plus tard vos parents, de revoir les lieux puérils qui étonnèrent votre enfance. Trafiquants de votre retour, noyez d’abord dans l’eau pure toute envie de revenir plus tard, de faire de nouveau ce que vous avez déjà fait.

Sinon, n’embarquez point. — Il vous reste, croyez-vous, ces justes compensations à renoncer à la traverse : vos ballots, vos encombrants et riches ballots : toute une famille navigue avec vous ! Prenez donc le chemin de la terre, méticuleusement divisé, et qui d’ailleurs, par de longs détours, conduit à peu près au même but. Mais ne mouillez pas vos yeux des embruns de Grande Nostalgie. Détournez vous. Déroulez. Atteignez vite l’autre bord. Atterrissez.