Page:Segalen - René Leys.djvu/120

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ces visages blancs, roses et rouges, et trônant aux galeries ; et la musique nourrie de ce tonnerre de gong, font un enveloppé très délicat ; une atmosphère recueillie par excès de couleurs, d’odeurs et de bruits, qui ramène et dispose à la méditation personnelle. Lui et moi sommes bien seuls ici. D’abord, très peu de gens savent ce que lui et moi connaissons… Ce rôle, ce mystère, ce secret policier… Par exemple, tous ces « amis » qui occupent une table carrée, pas loin de nous, et qui nous ont salué vivement à notre entrée, — sont de petits jeunes gens riches et noceurs, sans plus, et ne se doutent pas de la partie qui se joue, au fond du palais, sur des planches autrement vastes que celles-ci…

Cependant, René Leys, désignant le « gros bon garçon » à lunettes…

— Tenez : voilà mon secrétaire au Bureau Central de la P. S. C’est un des meilleurs agents. Il est remarquablement fort, sous sa graisse, et très fin…

— Comment ! même vos amis…

Le « même » est un peu de trop. Il répond, très naturel :

— Tous mes amis en font partie, mais dans des grades très différents, et qu’ils ignorent de l’un à l’autre. Aucun d’eux ne connaît ma situation véritable…

Et notre policière et secrète et franche causerie se prolonge à mots coupés, en français furtif, au milieu de la même foule chinoise, de plus en plus pressée, parmi le va-et-vient des domestiques inon-