Page:Segalen - René Leys.djvu/141

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jamais certain de ne jamais devenir mari, à son heure…). Simplement, le brave homme tient, de lui-même, à occuper cette place. Il va et vient discrètement, parlant bas, très honoré de me voir ainsi à sa table, et franchement flatté… (ou bien, c’est à s’y tromper), de voir le soin que je prends au convoisinage de dame Wang, et les attentions progressives de madame Wang pour moi.

Cela se borne, tout d’abord, à des échanges de bouchées, de menus morceaux de viande qui vont et viennent au bout des bâtonnets, d’une assiette à l’autre…

Chercheur « d’impressions », ou rédacteur en quête de copie, je ne manquerais point de noter les noms bizarres épinglant des saveurs et des sauces d’un fumet classique, très étudié, très commenté, très évolué… J’ai mieux à faire : la jeune maîtresse de maison, moins officiellement peinturlurée, plus intimement parée, se présente sous des aspects féminins enfin discernables.

D’abord, sa toilette de saison, — qui est l’été, — n’est composée que de lignes minces ; verticales mais souples : droites mais ondulées au moindre geste, presque au moindre souffle… Une étoffe à peine opaque où l’air filtre et rafraîchit la peau : un tissu de crins légers, posés sur de la batiste. Une blouse à col échancré, tout rond, d’où part un cou sans anatomie visible, sans muscles et sans maigreur : une mouvante et vivante colonne ronde : tout