Page:Segalen - René Leys.djvu/243

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J’attends…

— La cloche. Quatrième veille.

Je laisse le son retomber. J’écoute un instant de plus. Je lui fais grâce d’un peu de silence. Rien. Ma porte reste fermée. Il a menti. Ce qu’il m’a prédit et promis n’arrive pas. Tout ce qu’il m’a raconté serait-il vrai ou faux ?… À mon tour, en confidence inverse, de reprendre son histoire, ou ses histoires…

Mais il est chez moi ; il est mon hôte. Même les anthropophages respectent leurs hôtes ou les cuisinent avant de les dévorer… Je change de jeu, et, sur le ton coutumier que l’on m’assure plein de politesse insolente, je l’interpelle :

— Dites donc, René Leys, vous n’avez pas l’air de savoir l’heure ?

Aucune réponse. Je poursuis :

— Nous devions recevoir : à neuf heures, la visite d’un mouchoir jaune ; à onze heures, sa visite, à Elle, l’Autre, la Première… Il est exactement onze heures cinq.

Il ne dit rien. Je poursuis :

— Vous m’aviez demandé autrefois si vous pouviez compter sur moi ?

Ceci le réveille, le redresse : il n’hésite pas :

— Oh ! oui. Je voulais pouvoir compter sur vous !

— Bien. Comme ami ?

— Oh ! oui, comme ami.

— Alors, laissez-moi vous faire, à mon tour, des confidences… amicales… Laisse-moi te dire que…